Ce texte est signé d’un nom de collectif imaginaire. Ses rédacteurs n’ensont pas les auteurs. Ils se sont contentés de mettre un peu d’ordredans les lieux communs de l’époque, dans ce qui se murmure aux tablesdes bars, derrière la porte close des chambres à coucher. Ils n’ontfait que fixer les vérités nécessaires, celles dont le refoulementuniversel remplit les hôpitaux psychiatriques et les regards de peine.Ils se sont faits les scribes de la situation. C’est le privilège descirconstances radicales que la justesse y mène en bonne logique à larévolution. Il suffit de dire ce que l’on a sous les yeux et de ne paséluder la conclusion.L’insurrection qui vient Comité invisible "Chaque
secteur spécialisé de la connaissance fait à sa manière le constat d’un
désastre. Les psychologues attestent d’inquiétants phénomènes de
dissolution de la personnalité, d’une généralisation de la dépression
qui se double, par points, de passages à l’acte fou. Les sociologues
nous disent la crise de tous les rapports sociaux,
l’implosion-recomposition des familles et de tous les liens
traditionnels, la diffusion d’une vague de cynisme de masse ; à tel
point que l’on trouve dorénavant des sociologues pour mettre en doute
l’existence même d’une quelconque « société ». Il y a une branche de la
science économique - l’« économie non autistique » - qui s’attache à
montrer la nullité de tous les axiomes de la prétendue « science
économique ». Et il est inutile de renvoyer aux données recueillies par
l’écologie pour dresser le constat de la catastrophe naturelle.
Appréhendé ainsi, par spécialité, le désastre se mue en
autant de « problèmes » susceptibles d’une « solution » ou, à défaut,
d’une « gestion ». Et le monde peut continuer sa tranquille course au
gouffre.
Le Comité invisible croit au contraire que tous les
remous qui agitent la surface du présent émanent d’un craquement
tectonique dans les couches les plus profondes de la civilisation. Ce
n’est pas une société qui est en crise, c’est une figure du monde qui
passe. Les accents de fascisme désespéré qui empuantissent l’époque,
l’incendie national de novembre 2005, la rare détermination du
mouvement contre le CPE, tout cela est témoin d’une extrême tension
dans la situation. Tension dont la formule est la suivante : nous
percevons intuitivement l’étendue de la catastrophe, mais nous manquons
de tout moyen pour lui faire face.
L’insurrection qui vient tâche d’arracher à chaque spécialité le
contenu de vérité qu’elle retient, en procédant par cercles. Il y a
sept cercles, bien entendu, qui vont s’élargissant. Le soi, les
rapports sociaux, le travail, l’économie, l’urbain, l’environnement, et
la civilisation, enfin. Arracher de tels contenus de vérité, cela veut
dire le plus souvent : renverser les évidences de l’époque. Au terme de
ces sept cercles, il apparaît que, dans chacun de ces domaines, la
police est la seule issue au sein de l’ordre existant. Et l’enjeu des
prochaines présidentielles se ramène à la question de savoir qui aura
le privilège d’exercer la terreur ; tant politique et police sont
désormais synonymes.
L’insurrection qui vient nous sort de trente ans où
l’on n’aura cessé de rabâcher que « l’on ne peut pas savoir de quoi la
révolution sera faite, on ne peut rien prévoir ». De la même façon que
Blanqui a pu livrer les plans de ce qu’est une barricade efficace avant
la Commune, nous pouvons déterminer quelles voies sont praticables hors
de l’enfer existant, et lesquelles ne le sont pas. Une certaine
attention aux aspects techniques du cheminement insurrectionnel n’est
donc pas absente de cette partie. Tout ce que l’on peut en dire ici,
c’est qu’elle tourne autour de l’appropriation locale du pouvoir par le
peuple, du blocage physique de l’économie et de l’anéantissement des
forces de police."
Pas encore fini mais j'aime beaucoup le cynisme dont ils font preuve dans certaines phrases.